En Allemagne, une campagne enjoint les parents à ne pas poster de clichés de leur progéniture sur les réseaux sociaux – du moins sans précaution. Quid de la France ?
Un enfant qui fait ses premiers pas ; un autre couvert de chocolat jusqu’aux oreilles ; une fillette qui coiffe sa poupée ; un garçonnet qui pique une colère… Qui n’a jamais vu sur ses fils Facebook et Instagramla progéniture d’amis, de connaissances, voire d’inconnus, déambuler à visage découvert dans des mises en scène plus ou moins avantageuses ?
« Internet n’est pas un album photo privé »
C’est pour éviter au maximum ce genre de situations que le Fonds allemand pour l’enfance a déployé une campagne à l’attention des parents 2.0., comme l’a rapporté Libération. «Mon visage – mes droits ! Pour une gestion responsable des photos des enfants sur les médias sociaux», stipulent les affiches, relayées sur le compte Twitter dudit fonds.
Cette campagne se justifie par la volonté des Allemands de respecter le droit à l’image et à la vie privée des enfants. D’autant plus lorsqu’ils sont mineurs et donc pas en mesure de donner leur consentement à la diffusion de photographies d’eux. «Internet n’est pas un album privé», rappellent nos voisins. «Le droit à l’image est particulièrement sacré et beaucoup plus strict en Allemagne qu’en France, commente Thomas Rohmer, président de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open). Le principe « mon image m’appartient » y est très ancré.» Et de citer l’exemple de la photographie de rue, particulièrement compliquée à réaliser outre-Rhin.
Avides de reconnaissance
Si les consciences s’éveillent en Allemagne, le chemin en France est encore long. D’après Thomas Rohmer «un quart des enfants nés en 2015 possèdent une identité numérique avant même de naître. De plus en plus de parents, en publiant des photos de leur progéniture, se sentent exister à travers eux. Il est plus facile d’acquérir des « likes » à travers la mise en scène de son enfant plutôt que par celle de soi-même». Les Français seraient-ils les participants d’une course à la reconnaissance numérique à tout prix ? «La plupart des parents qui publient des photos de leurs enfants ne sont pas mal intentionnés, ils sont juste désinformés, nuance le président de l’Open. Ils n’ont pas conscience des conséquences qui peuvent pourtant être indélébiles, y compris sur les réseaux sociaux.»
Les effets, par ricochet ? Thomas Rohmer prédit qu’il ne sera pas rare, dans un futur proche, de voir de jeunes adultes porter plainte contre leurs parents pour avoir publié une photo d’eux sur leur pot de chambre étant enfant. À l’âge ingrat de l’adolescence, notamment, relève l’expert, certains clichés, même des années plus tard, ne restent pas sans conséquence.
Informer et sensibiliser
La campagne du Fonds allemand pour l’enfance est-elle la solution ? «Il ne faut pas légiférer sur tout, mais les pouvoirs publics doivent jouer un rôle et intervenir directement auprès des parents afin de mieux les informer et de les sensibiliser sur le droit à l’image de leurs enfants sur les réseaux sociaux», analyse le président de l’Open. Pour rappel, le code pénal (article 226-1) punit d’un an d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende le fait de publier sur Internet une photo d’une personne sans son accord. Une loi qui n’est pourtant pas effective pour les parents puisqu’ils sont justement les responsables du droit à l’image de leur enfant jusqu’à leur majorité, rappelle Thomas Rohmer.
Par Mooréa Lahalle | Le 09 janvier 2018 – Madame Le Figaro