Un ado sur deux a déjà regardé du porno. Des images très facilement accessibles, qui ont des conséquences sur leur sexualité.
À quel âge regardent-ils du porno ?
La moitié des 15-17 ans ont déjà surfé sur un site pornographique, révélait en 2017 un sondage Ifop pour l’Observatoire de la parentalité et l’éducation numérique (Open). Première visite d’un site porno : à l’âge de 14 ans et 5 mois. Pour la plupart des garçons, l’expérience s’est faite en solo et associée à une activité masturbatoire.Pour les filles, c’est plutôt avec quelqu’un d’autre, copines ou petit ami.
Le support : le smartphone (33 %), l’ordinateur (28 %) et la tablette (12 %). Mais 53 % des ados tombent sur ces images par inadvertance, via des pop-ups (fenêtre Internet qui s’affiche sans avoir été sollicitée par l’internaute).
Que montre le porno ?
Une sexualité souvent violente, essentiellement centrée sur le plaisir masculin, et où les femmes sont traitées comme des objets. Aucune émotion, aucune tendresse, aucun partage. « Le porno est un genre cinématographique, explique Thomas Rohmer, président d’Open. Il a la nécessité de retranscrire des pratiques par l’image. Par exemple, l’épilation intégrale des sexes vise à mieux donner à voir. » Les réactions sont surjouées, les sexes des hommes surdimensionnés.
Pourquoi ces images sont-elles accessibles ?
96 % des sites porno visités par les ados sont gratuits. Ils les regardent sur ce que l’on appelle les « tubes », des plateformes créées sur le modèle de YouTube, qui diffusent librement et gratuitement des scènes (plus que des films) porno, souvent piratées.
Ces plateformes sont souvent situées dans les paradis fiscaux, donc échappent à toute fiscalité. « En une dizaine d’années, on est passé d’un modèle fermé, avec un accès au porno restreint, via les sex-shops ou les chaînes cryptées, à un modèle totalement ouvert, accessible à tous et gratuit, déplore Thomas Rohmer. Pour vivre et générer des rentrées publicitaires, ces « tubes » doivent générer un maximum de trafic. Ils vont donc vers un porno très violent, de plus en plus avilissant pour les femmes. »
D’autres sites ont développé le créneau marketing très porteur de la vidéo amateure… « qui, en réalité, n’en est pas toujours ».
Que dit la loi ?
Elle punit de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende le fait de « fabriquer, transporter et diffuser » un contenu pornographique lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur. Toutes ces plateformes en accès gratuit sont hors la loi. Rares sont celles qui réclament l’âge de l’internaute. Et, quand il existe, l’obstacle est facile à déjouer. À la question : « As-tu 18 ans ? », il suffit de cliquer « oui ».
Quelles incidences sur les jeunes ?
45 % des ados ont tenté de reproduire, dans leur vie sexuelle, des scènes vues dans des films porno. Les ados peuvent prendre pour norme certaines pratiques banalisées par le porno comme la sodomie ou l’épilation intégrale. Dans le cabinet de la gynécologue Ghada Hatem, fondatrice de La Maison des femmes, en Seine-Saint-Denis, les jeunes filles ne sont pas rares à demander une chirurgie des petites lèvres. « Pour avoir, comme dans les vidéos porno, un sexe d’adolescente. »
« Cela met aussi les jeunes hommes dans une logique de performance, constate la gynécologue. Ils se sentent en difficulté puisque, bien sûr, leur pénis n’a pas la taille de ceux montrés à l’image. » Le porno « banalise » aussi l’agression sexuelle : dans les films, souvent la femme dit « non », mais pense « oui ». « Un message désastreux. »