Les défis numériques sur les réseaux sociaux sont-ils dangereux pour nos ados ? Quelle responsabilité pour les adultes ? Deux spécialistes de ces enjeux publient un livre sur le sujet.

 

À l’occasion de la sortie du livre Challenges numériques sur les réseaux sociaux, par Marion Haza et Thomas Rohmer, retour sur un phénomène largement répandu et pourtant encore très mal compris : les défis sur internet.

Quoi de commun entre une capsule de lessive liquide et une cuillerée à soupe de cannelle ? Essayer de les manger d’un coup est extrêmement dangereux et a de grandes chances de vous envoyer aux urgences. Et les deux ont fait l’objet de challenges internet, le « Tide Pod challenge » et le « Cinnamon challenge ».

Et là, réflexe immédiat : on se dit « Encore un pari débile d’ados qui s’ennuient ! »

Certes. Mais il ne suffit pas de balayer ces défis d’un revers de main une fois qu’on les a classés sous « Les ados sont pénibles / Mais qu’est-ce qui a bien pu leur passer par la tête, épisode 2945 ».

Car les parents non plus ne sont pas à l’abri de comportements peut-être moins dangereux en apparence, mais pourtant profondément problématiques.

Challenges numériques sur les réseaux sociaux, par Marion Haza, psychologue clinicienne, et Thomas Rohmer, président de l’OPEN, revient sur le phénomène des défis internet pour mieux protéger nos enfants. Le livre est téléchargeable gratuitement sur le site des éditions Yapaka.

Les défis internet, ou la foire à tout

Un défi internet, c’est quoi ? Du plus anodin au plus créatif, du plus morbide au plus stupide, un défi internet consiste à publier une photo ou une vidéo de soi-même sur les réseaux sociaux, en train de faire ce que le défi demande, et de nominer ses amis pour qu’eux-mêmes à leur tour tentent de le relever.

Le livre revient notamment sur « l’ALS Ice Bucket Challenge » : on se souvient encore du seau d’eau glacée qu’on se renversait sur la tête, afin de récolter des fonds pour lutter contre la maladie de Charcot.

Une fois la douche froide subie, trempé et grelottant, on nominait un certain nombre d’amis qui devaient s’y coller à leur tour. Les célébrités ont participé en masse (on recommande particulièrement la vidéo de Donatella Versace, au kitsch flamboyant totalement assumé).

On pourrait en citer toute une ribambelle, qui vont et viennent avec les saisons. Ces challenges internet font trois petits tours et puis s’en vont, avant de revenir parfois quelques années plus tard. La plupart sont rarement pris au sérieux, même quand il le faudrait.

D’autres au contraire sont montés en épingle par des médias en mal de sensationnalisme, avec des conséquences dramatiques qui peuvent aller jusqu’à mettre en danger la vie d’adolescents ou d’enfants vulnérables.

Un livre pour démêler les fantasmes de la réalité

Challenges numériques sur les réseaux sociaux revient sur quelques défis parmi les plus connus pour rappeler certains principes salutaires.

De nombreux défis sur internet ne sont qu’un prolongement moderne de la prise de risque qui a toujours tenté les adolescents. En effet, rien de nouveau sous le soleil : à l’adolescence, on explore son identité et on cherche à se faire accepter par ses pairs. Le « T’es pas cap ! » ne date pas d’hier.

Au lieu de se laisser hypnotiser par la fausse nouveauté « numérique » de ces challenges, il vaut mieux se recentrer sur le fait de protéger nos adolescents et de canaliser leur recherche identitaire pour leur permettre d’explorer sans se mettre en danger.

Et il faut aussi reconnaître la part de créativité souvent admirable de nos ados : rejeter en bloc les défis internet fait oublier que nombre de ces défis sont très positifs, par exemple lorsque des ados prennent l’initiative d’attirer l’attention sur un problème de société.

Les adultes souvent pris dans leurs contradictions

Il faut aussi rappeler que les défis internet ne sont pas réservés exclusivement aux ados. De nombreux adultes et parents y participent aussi, sans mesurer les conséquences potentiellement sinistres de comportements anodins en apparence.

Le livre analyse deux challenges, le « Cheese challenge » (cheese = fromage) et le « Motherhood challenge » (qui voulait célébrer les joies d’être mère), extrêmement problématiques. Trop de parents qui y ont participé n’ont pas mesuré que ces défis réduisaient leurs enfants à l’état d’objets dont on fait ce qu’on veut, pour faire rire à leurs dépens ou pour essayer de glaner quelques « j’aime ».

 

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Quand la panique morale tourne au drame

Enfin, le livre veut souligner la part de responsabilité des médias, qui se sont parfois fait le relai de challenges morbides qui n’étaient en fait que des épiphénomènes, voire des légendes urbaines. Dans la course au clic, certains médias n’ont pas pris le temps de se poser des questions pourtant essentielles.

Quand on fait tout un battage autour d’un obscur challenge au suicide, on risque par cette publicité de faire exister le phénomène contre lequel on voulait mettre en garde. Parler de ces challenges dangereux et, en fait, inexistants, peut donner des idées à des ados vulnérables, qui sans les médias auraient continué à tout ignorer du prétendu challenge en question.

Il est donc essentiel pour les adultes, parents, influenceurs, de regarder en face les défis internet et de prendre le temps de s’interroger : le dernier défi en vogue est-il une manifestation positive de la créativité et du talents de nos ados ? Ou bien un phénomène obscur et morbide auquel il vaut mieux ne pas faire de pub ?

Et surtout – nous adultes, montrons-nous le bon exemple ?

Challenges numériques sur les réseaux sociaux de Marion Haza et Thomas Rohmer, est disponible en téléchargement gratuit sur le site des éditions Yapaka.