Lors de l’examen de la proposition de loi sur les violences conjugales au Sénat, un amendement a été voté pour pénaliser les sites pornos dont le contenu est librement accessible aux mineurs.
C’est un amendement qui s’est glissé dans la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences, avec lesquelles, à première vue, il n’a rien à voir. Dans la nuit du mardi 9 au mercredi 10 juin, les sénateurs ont adopté à l’unanimité la proposition d’amendement de Marie Mercier, élue Les Républicains de Saône-et-Loire, qui permettrait au président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de mettre en demeure tout site diffusant du contenu pornographique afin qu’il prenne des mesures pour contrôler l’âge de ses clients et donc empêcher son accès aux mineurs.
Si, au bout de quinze jours, le site en question n’a pas « présenté ses observations », le président du CSA pourrait demander à la justice de bloquer le site. Comme le rappelle le texte, l’article 227-24 du code pénal permet déjà de sanctionner les plateformes qui diffusent du contenu pornographique accessible aux mineurs, avec une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison et 75.000 euros d’amende. D’après la sénatrice, cependant, cette législation ne serait pas appliquée dans l’univers numérique, notamment parce que la plupart des éditeurs de ces sites sont installés à l’étranger.
« Retour de la censure »
À en croire Marie Mercier, les demandes d’accès aux sites pornographiques « ont explosé pendant le confinement, et surtout pour des films pornographiques violents, autrefois limités aux personnes sadomasochistes ou BDSM. Aujourd’hui, le violent est devenu normal, et les jeunes filles trouvent normal que leur partenaire soit violent. » Le 20 novembre 2019, à l’occasion de la journée mondiale de l’enfance, le président de la République Emmanuel Macron avait formulé le vœu que l’accès des mineurs aux contenus pornographiques soit limité.
D’après le site d’information sur les nouvelles technologies Next INpact, l’amendement de la sénatrice a été poussé par l’association Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (OPEN) et, de façon plus surprenante a priori, la société de production pornographique Dorcel. Cette dernière, installée en France, repose sur un modèle payant et pâtit comme certains de ses concurrents de l’explosion des « tubes », ces multinationales du porno qui, à l’image de YouPorn ou PornHub, diffusent gratuitement, et en flux continu, du contenu fréquemment piraté. Des travailleuses et travailleurs du sexe se sont toutefois élevés contre l’amendement. D’après le Syndicat du travail sexuel (Strass), il s’agirait d’un « retour à la censure » qui « vise à prohiber toutes les représentations des corps et des sexualités, car elles seraient responsables des violences conjugales ».