INFO LE FIGARO – La nouvelle loi votée en juillet qui les oblige à vérifier l’âge de leurs utilisateurs pourrait bientôt rentrer en application.
C’est une première. Trois associations ont saisi aujourd’hui le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour obtenir le blocage de huit sites pornographiques. Elles réclament au gendarme de l’audiovisuel la fermeture de ces sites car ils ne comportent pour seule mesure visant à restreindre leur accès par des mineurs, qu’un simple «disclaimer», autrement dit un message d’avertissement permettant à l’internaute de déclarer être majeur.
Or une loi votée en juillet dernier les oblige à vérifier l’âge de leurs utilisateurs sous peine d’être mis hors-ligne. Ce texte prévoyait qu’en cas de non-respect de cette règle, le CSA pourrait saisir la justice afin de demander aux fournisseurs d’accès à internet de couper l’accès à ces sites. Soit un dispositif similaire à celui mis en place pour lutter contre les jeux d’argent illégaux en ligne. «Ce texte vous donne ainsi autorité afin de mettre en demeure les portails pornographiques concernés, de se mettre en conformité avec le droit français et à défaut, de saisir le président du Tribunal judiciaire de Paris d’une procédure accélérée au fond», écrivent les associations. À l’origine de ce courrier, l’Observatoire de la Parentalité et de l’Éducation Numérique (OPEN), associé à l’UNAF (Union nationale des associations familiales) et la Cofrade (Conseil Français des Associations pour les Droits de l’Enfant). Cet envoi a été accompagné par un constat d’huissier sur l’accessibilité et la publicité en France des sites étrangers et Français comme Pornhub, Xvideos ou encore Jacquieetmichel.
Si le CSA se saisit de ce nouveau rôle que lui octroie la loi, les sites auraient alors quinze jours pour se mettre en conformité et vérifier l’âge de leurs utilisateurs. Sans cette barrière, ils pourraient voir leur accès bloqué sur décision de justice. Cette initiative pourrait ainsi aboutir sur un premier blocage de ces sites après des années d’inquiétude croissante sur l’accès des plus jeunes au porno. Un enfant sur sept a vu son premier film X à 11-12 ans, voire avant, selon un sondage réalisé pour l’Observatoire de la parentalité & de l’éducation numérique (Open) par l’Ifop directement auprès des adolescents. Et un mineur sur trois a fait cette expérience à l’âge de 13 ou 14 ans.
Contrôle parental par défaut
«Cette saisie est l’aboutissement de cinq ans de combat, explique Thomas Rohmer, président de l’Observatoire de la Parentalité et de l’Éducation Numérique. Il ne s’agit pas d’une censure du porno mais seulement de faire respecter son interdiction aux enfants. C’est déjà prévu par la loi française mais très très difficile à faire appliquer. Les risques d’exposition précoce à ces vidéos ne peuvent pas être ignorés plus longtemps par la communauté éducative. Il était temps de faire passer un message fort».
Cette démarche correspond aussi à la demande du président de la République, exprimée il y a un an, le 20 novembre 2019. Emmanuel Macron avait alors promis de «préciser dans notre Code pénal que le simple fait de déclarer son âge en ligne ne constitue pas une protection suffisante contre l’accès à la pornographie des mineurs». Il avait dans la foulée menacé les fournisseurs d’accès à internet de leur imposer un contrôle parental par défaut, ce qui les aurait obligés à vérifier eux-mêmes l’âge des utilisateurs qui souhaitent accéder à des sites pornographiques. Une disposition critiquée par ces derniers, qui pointent notamment le principe de la neutralité du net.
L’initiative de l’OPEN, l’Unaf et la Cofrade a reçu l’appui du secrétaire d’État en charge de l’enfance. «Il faut lutter sans relâche pour protéger nos enfants des dangers de l’exposition à des images qui peuvent choquer, confie Adrien Taquet au Figaro. Avec l’évolution des technologies, la réponse face à l’exposition des mineurs à la pornographie doit être protéiforme: nous travaillons par ailleurs avec l’ensemble des acteurs du numérique sur un protocole de prévention».