Plusieurs sites pornographiques risquent la fermeture sous l’impulsion du gendarme de l’audiovisuel qui entend appliquer d’ici à la mi-avril des contrôles d’accès plus sévères pour les mineurs.
Les internautes français pourraient très bientôt tomber sur un os : les sites pornographiques parmi les plus populaires de la Toile – Pornhub, Xvideos, Xnxx, Xhamster et Tukif – sont menacés de devoir baisser le rideau pour les utilisateurs hexagonaux. Les plateformes de vidéos X font en effet l’objet d’une procédure de blocage lancée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui juge leurs conditions d’accès trop légères pour les mineurs.
Aujourd’hui, un simple clic sur la page d’accueil permet d’accéder à ces sites. Le geste fait office de déclaration sur l’honneur, l’internaute certifiant sans l’ombre d’un justificatif qu’il a plus de 18 ans. Au mois de novembre dernier, trois entités – l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open), le Conseil français des associations pour les droits de l’enfant (Cofrade) et l’Union nationale des associations familiales (Unaf) – ont saisi le CSA afin de dénoncer cette règlementation purement formelle. En précisant ceci : «Nous ne sommes pas antiporno ni dans une démarche de moralisation de l’espace numérique public. Libre à chaque adulte de consommer des vidéos pornographiques. On ne veut pas interdire, mais protéger les enfants et faire en sorte que les lois ne soient plus piétinées par ces sites», explique Thomas Rohmer, fondateur et président d’Open, association qui s’est spécialisée dans la question. De fait, le code pénal réprime depuis longtemps le fait de rendre des contenus pornographiques accessibles aux mineurs.
Cette disposition, peu appliquée jusqu’ici, a été relancée à l’occasion d’une nouvelle mesure législative, dont le trio d’associations s’est emparé : en juillet, la majorité parlementaire d’obédience LREM promulgue la loi dite «visant à lutter contre les violences conjugales» et crée, dans ce texte, le délit que constitue la simple et très facilement contournable déclaration de majorité pour accéder aux sites pour adultes. Les associations ont saisi le gendarme de l’audiovisuel, compétent sur la question depuis cette loi de juillet 2020.
Cadre et modalités inconnus
«Chers visiteurs, il se peut que vous n’ayez plus accès à notre site dans moins d’un mois», avertit désormais Xnxx sur sa page d’accueil. Pour les plateformes réprimandées, le temps presse : dans la procédure orchestrée par le CSA, le 15 avril a été fixé comme date butoir. Les dossiers arriveraient alors sur les bureaux du tribunal judiciaire de Paris et les services X seraient potentiellement stoppés.
Pour échapper au couperet, Pornhub et consorts sont sommés de montrer patte blanche d’ici là. A la suite d’une très probable et prochaine mise en demeure «enjoignant de prendre toute mesure de nature à empêcher l’accès des mineurs au contenu incriminé», dixit Roch-Olivier Maistre, président du CSA, les plateformes de X devront proposer des alternatives pour se conformer à la loi. Certaines pistes ont d’ores et déjà été écartées par l’exécutif, tels l’utilisation du micropaiement par carte bancaire ou l’usage de FranceConnect, qui octroie un identifiant via un service public. D’autres possibilités sont envisagées, comme l’achat d’un pass dans un bureau de tabac ou attester de sa majorité en mairie pour pouvoir accéder, par la suite, aux plateformes numériques pour adultes.
Reste que les sites, s’ils ont connaissance des moyens d’accès illicites, ignorent encore les contours d’un contrôle d’entrée jugé satisfaisant aux yeux des législateurs. Les textes de loi ne précisent en effet d’aucune façon le cadre et les modalités de cette filtration renforcée. La sanction, elle, est déjà connue : les contrevenants risquent, outre le retrait de leurs contenus sur les moteurs de recherche, jusqu’à trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.