La génération Z, encore nommée « digital natives », regroupe les individus nés après 1995 qui sont immergés avec l’environnement numérique. Le smartphone fait partie intégrale de la vie des Z, il a même plutôt envahi leur vie : plus de 80% des jeunes âgés de 12 à 18 ans sont équipés d’un smartphone, et plus on avance avec l’âge, plus les chances de posséder un téléphone portable augmentent (49% des 12-13 ans; 95% des 17-18 ans).
Si le smartphone occupe une place essentielle et grandissante dans la vie des Z, cela peut-il s’expliquer par le fait qu’il manque des terrains d’expression et de communication offerts par la société aujourd’hui ? N’est-ce pas parce que le dialogue entre adultes et adolescents est devenu plus difficile ? La magie virtuelle ne peut pas totalement remplacer la réalité de l’autre. Les Z maintiennent, malgré tout, un besoin fondamental de sociabilité « réelle » avec leur groupe de pairs, au travers d’activités en lien avec la nature, telles que le scoutisme qui remonte en flèche aujourd’hui parmi les jeunes.
L’addiction au smartphone : une nouvelle forme « d’addiction » technologique
Selon une étude scientifique parue en 2014 par Ahn et Jun, 80% des jeunes américains âgés de 15 à 18 ans reconnaissent être accros à leur smartphone, contre 65% des Y (25-35 ans). En France, les chiffres sont aussi élevés : 78% des moins de 25 ans (contre 42% des Français) se considèrent comme accros à leur téléphone mobile (IFOP, février 2014).
Accro, c’est-à-dire être incapable de passer une heure sans consulter son smartphone, être énervé d’être à court de batterie ou sans couverture réseau, être incapable de dormir sans son smartphone à côté du lit voire même sous l’oreiller (pour 44% des jeunes selon le sondage Pew Internet Project, 2013 [3]) et simplement ne pas s’imaginer pouvoir vivre sans leur téléphone.
Une nouvelle « névrose » se répand dans notre société aujourd’hui, et plus particulièrement auprès des Z, ultra-connectés : l’angoisse ou la phobie de se retrouver sans son smartphone, « la nomophobie ». Contraction de « no mobile phobia », c’est le nouveau terme qui circule dans les médias pour désigner une nouvelle pathologie liée aux technologies modernes, notamment au smartphone et à la peur excessive d’en être séparé.
Les signes qui ne trompent pas
Comment savoir si vous êtes nomophobe ? Des chercheurs de l’université d’Iowa ont développé un outil de mesure (le « Nomophobia questionnaire »), paru dans la revue scientifique Computers in Human Behavior, pour estimer à quel point un individu est accro à son smartphone.
La nomophobie repose sur quatre dimensions :
- ne pas être en mesure de communiquer ;
- perdre sa connexion ;
- ne pas pouvoir accéder à l’information ;
- renoncer au confort.
Avec 76% des jeunes de 18 à 24 ans qui déclarent être angoissés à l’idée de perdre leur smartphone, cette forme « d’addiction » peut avoir des effets néfastes et destructeurs sur la santé physique et psychique des Z : troubles de la vision, changements morphologiques, structurels et fonctionnels du cerveau, difficulté de concentration en cours pouvant aller jusqu’à l’échec scolaire, baisse de confiance en soi, isolement, dépression, troubles du sommeil… Aujourd’hui, la question est de savoir comment et pourquoi le sujet Z, ultra-connecté, peut devenir accro et dépendant au smartphone.
Le rite de passage perd de sa force symbolique dans notre société contemporaine puisque qu’il n’est plus une initiation brutale, collective et irréversible comme c’était le cas autrefois dans les sociétés primitives.
A l’heure où les rites traditionnels de passage semblent avoir disparu avec le « brouillage » des repères dans la transition vers l’âge adulte (par exemple le service militaire), la société contemporaine en a réinventé d’autres, le plus souvent, à l’image de la vie contemporaine. Je dirais que la consommation symbolique est même devenue aujourd’hui un moyen de soutenir les transitions.
La transition à l’âge adulte s’élabore au travers de « micro-rites » comme l’achat du premier smartphone qui symbolise le passage de l’école primaire au collège, marquant le début de l’émancipation par rapport à la famille et le besoin de s’intégrer dans un autre groupe, celui de ses pairs.
D’après une récente étude Heaven parue en 2016, 48% des adolescents en 6ème exhibent leur smartphone dans la cours de récréation, le chiffre grimpe à 78% un an après.
Véritable prolongement de l’existence, les Z le consultent 150 fois par jour en moyenne. Il est un outil qui les aide à construire leur identité sociale et à s’ouvrir aux autres. On le voit à travers les selfies qui font fureur sur leurs téléphones. Ces autoportraits numériques sont un moyen de se revêtir d’une « seconde peau » en présentant des images de soi provisoires, contrôlées et partagées par le plus grand nombre.
Les Z ont besoin de vivre constamment sous l’audience de leur groupe de pairs en communiquant jour et nuit avec les autres.
La prochaine génération Alpha et l’ère neuronale du pouce
Quid de la prochaine génération alpha ? Une génération de bébés qui devient de plus en plus accro aux smartphones. Selon une étude Common Sense Media parue en 2013, 10% des bébés de moins de 2 ans en ont utilisé un en 2011, ils sont 45% en 2015 ! Des chiffres qui font froid dans le dos ! La prochaine génération alpha marquera-t-elle une nouvelle ère : l’ère neuronale du pouce ? A quoi sert un pouce : à envoyer des SMS, à faire défiler les pages sur la tablette ! Il deviendra difficile pour les parents, eux-mêmes connectés en permanence à leurs smartphones et tablettes, d’éduquer leurs rejetons à utiliser de manière raisonnée et raisonnable ces outils numériques.
Elodie Gentina est enseignante-chercheuse en marketing à SKEMA Business School, auteure de travaux sur la génération Z.