Jeux vidéo et consoles seront dans la hotte du Père Noël : pour éviter les crises autour du sapin, Olivier Gérard de Pédagojeux et Vanessa Lalo psychologue partagent leurs avis d’experts.

 

Comment éviter que nos enfants passent toutes les vacances de Noël devant leur console ? Offrir un jeu vidéo à Noël peut être une bonne occasion pour les parents de reprendre certaines choses en main et de rappeler ou fixer des règles claires. Interview croisée avec Olivier Gérard-Andrieu, de l’UNAF / Pédagojeux, et Vanessa Lalo, psychologue clinicienne.

 

OPEN : À Noël comme le reste de l’année, ce sont les enfants qui réclament et qui orientent les achats de jeux vidéo. Les parents connaissent-ils les jeux que leur réclament leurs enfants, ou réagissent-ils simplement aux demandes ?

Olivier Gérard : Même si les parents connaissent mieux les jeux vidéo qu’avant, ils restent quand même en retrait. Globalement les parents sont de plus en plus joueurs : la moyenne d’âge des joueurs de jeux vidéo augmente. Mais ils ne sont pas toujours au fait des jeux que leurs enfants réclament.

(OPEN-Asso: L’âge moyen du joueur en France est de 40 ans, et un adulte sur 3 joue aux jeux vidéo tous les jours.)

Cela peut provoquer des tensions à la maison, si les parents ne sont pas d’accord pour offrir tel jeu, ou ne disent pas oui tout de suite. On le sait tous, il peut y avoir des moments d’opposition, pas toujours agréables, notamment avec les ados, mais il faut tenir bon dans son rôle de parent. Cette tension est en fait positive : on évite le rejet total et on se montre ouvert, on cherche à comprendre, même si on n’est pas soi-même intéressé par les jeux vidéo. On invite l’enfant à argumenter, à expliquer pourquoi il veut ce jeu, et ça permet aussi de mieux le connaître.

La fluidité absolue, l’harmonie parfaite, ça n’existe pas : c’est quand on lâche sur tout qu’il n’y a pas de confrontations, mais ce n’est pas une position tenable en tant que parent de dire oui à tout. Même si la discussion est un peu tendue, c’est un passage obligé qui rassure aussi les enfants sur le rôle de protection des parents et sur leur ouverture.

Vanessa Lalo : Si votre enfant vous demande de lui offrir un jeu que vous ne connaissez pas, regardez ensemble des vidéos du jeu en question, sur YouTube par exemple. Ça permet de se faire une idée plus précise du contenu du jeu, et de savoir de quelle façon notre enfant, avec son profil unique, va réagir à ce contenu. L’enfant peut alors expliquer pourquoi il veut jouer à ce jeu, il va mettre des mots dessus, et cela permet aux parents de faire leur choix en connaissance de cause, au lieu de céder à la pression sociale du type « Mais tous mes copains y jouent ! »

Ce visionnage d’une vidéo devient un moment d’échange avec son enfant, on se fait une idée de l’univers dans lequel il va s’immerger. Attention aux vidéos publicitaires qui présentent la bande-annonce du jeu ou qui émanent de la compagnie qui vend le jeu: recherchez plutôt les vidéos dans lesquelles des gamers se filment en train de jouer et commentent le jeu.

Il faut que les parents se fassent confiance, pour les jeux vidéo comme pour le reste : si on ne connaît pas, il faut s’intéresser, dialoguer et puis prendre la décision appropriée. On négocie avec son enfant, pour les jeux vidéo comme pour tout le reste.

Accompagner les enfants, quel que soit le support, c’est une constante. De même qu’on choisit ce qu’ils consomment en termes de films et de livres, les parents doivent choisir ce qu’ils laissent entrer comme jeu vidéo à la maison. Il faut poser des règles en amont. Même si on n’est pas soi-même passionné de jeux vidéo, il faut prendre le temps de s’intéresser à ce qui intéresse notre enfant, pour pouvoir mieux poser les cadres pertinents.

 

Un repère qui peut aider les parents, c’est la classification PEGI : on la retrouve sur tous les jeux. Elle comprend une indication claire de limite d’âge (jeu réservé aux plus de 7 ans, aux plus de 12 ans, etc.), mais elle montre aussi quels éléments dans le jeu peuvent poser problème : violence, sexe, langage, peur… Comment utiliser la classification PEGI lors de l’achat ? Faut-il la respecter strictement ?

Olivier Gérard : Nous conseillons de l’utiliser et de la respecter dans la majorité des cas. Pour chaque tranche d’âge, PEGI explique quels contenus peuvent poser problème, et quelle en est l’intensité. Si la classification PEGI pour un certain jeu mentionne la violence comme contenu problématique par exemple, ça va être adapté à la quantité de violence : est-ce que le jeu est entièrement violent, ou est-ce qu’il y a juste quelques passages violents ? Cela influe sur la classification.

Ensuite, ça dépend de la maturité de l’enfant : un enfant de 15 ans qui demande à jouer à un jeu classé « plus de 16 ans », ça n’est pas la même chose qu’un enfant de 10 ans qui demande de jouer à un jeu classé « plus de 18 ans » ! Ce sont les parents qui connaissent le mieux leur enfant, ce sont eux qui peuvent juger. L’important, c’est d’avoir une position cohérente : on ne peut pas, par exemple, refuser en bloc tous les contenus délicats dans les jeux vidéo, alors qu’on laisse par ailleurs son enfant regarder n’importe quoi à la télé…

Il faut aussi faire attention si l’enfant dit « Mais ça ne me fait pas peur! » Ça n’est pas suffisant, ça ne veut pas dire que tout va bien. Peut-être qu’il n’a pas peur sur le moment, mais les enfants ne savent pas toujours gérer les contenus problématiques : faire la part des choses, prendre du recul, c’est progressif et les enfants sont encore en train de se construire.

Vanessa Lalo : La classification PEGI indique à partir de quel âge on peut jouer à un jeu donné, et quels types de contenu peuvent poser problème (violence, peur, etc.), mais il s’agit d’une indication. Si on en reste à une interprétation stricte de la classification PEGI, cela reviendrait à autoriser un enfant de 11 ans à jouer à un jeu catégorisé « plus de 7 ans », mais pas à un jeu « plus de 12 ans ». Or l’enfant va peut-être refuser un jeu « pour les 7 ans et plus », qu’il verra avant tout comme un jeu « pour bébés ». Il faut juger selon sa maturité.

Ensuite l’argument que beaucoup d’enfants utilisent c’est bien entendu « Mais tous mes copains y jouent ! » Il faut tenir bon. Ce n’est pas parce que les autres parents l’autorisent qu’on doit l’autoriser aussi, nous fixons nos propres règles à la maison. Si on interdit un jeu dans lequel on se tire dessus, il faut expliquer pourquoi.

Par contre, il ne faut pas se leurrer, l’enfant jouera très probablement au jeu « interdit » quand il est chez les autres. Il est important d’en parler avec lui : si on interdit purement et simplement, il enfreindra la règle à un moment ou à un autre mais n’osera pas nous en parler. Ce qui veut dire qu’on ne pourra pas l’aider si le jeu lui cause un souci (cauchemars, etc.).

Il faut donc bien expliquer qu’il n’a pas le droit de jouer à ce jeu à la maison parce que c’est notre choix, nos règles familiales, mais que s’il lui arrive d’y jouer chez les autres, et qu’il a peur, on sera là pour en parler, pour le rassurer, qu’il ne sera pas puni. Il faut bien insister sur le fait que notre refus qu’il joue à ce jeu n’est pas une punition : c’est juste que, en tant que parents, nous estimons que ce n’est pas bon pour lui.

 

Noël est une période où on a enfin l’occasion de passer un peu plus de temps en famille. Est-ce que ça n’est pas paradoxal d’offrir un jeu vidéo, est-ce que notre enfant ne va pas s’isoler pour y jouer ? Ce serait dommage de créer des tensions à Noël…

Olivier Gérard : Offrir un jeu vidéo, oui, cela veut dire du temps passé devant un écran. Et les enfants n’ont pas toujours la capacité de se réguler. C’est la responsabilité des parents de les y aider. Donc en fait, offrir un jeu vidéo à Noël peut être une très bonne occasion de rappeler ou de fixer des règles de vie très claires, dès le départ. C’est d’autant plus important que, pendant les vacances, l’enfant pourrait être tenté de jouer toute la journée : il faut donc être ferme. Par ailleurs, les vacances sont aussi un bon moment pour proposer d’autres activités à faire ensemble – mêmes aux ados blasés… Bien sûr, il va y avoir des conflits : il faut se défaire du fantasme du Noël parfait… En tout cas, dès le moment où il y a un écran, il faut fixer des règles, et ça, c’est la responsabilité des parents.

Après, passer un moment à jouer ensemble avec son enfant peut être très positif, même si on n’aime pas vraiment ça (au moins on a essayé), même si on est mauvais (ça donne l’occasion à son enfant de briller !). C’est aussi une façon pour le parent de jouer son rôle : on a validé son désir de jeu, on a montré notre ouverture, et donc on est plus crédible. Ça peut être une autre manière de fixer des limites, de finir la partie ensemble et d’inviter l’enfant à passer à une autre activité. Les jeux vidéo font partie de la vie de l’enfant: montrer qu’on l’accepte est aussi une façon de redynamiser la relation avec son enfant, de discuter avec lui et de prolonger ce temps ensemble.

Il ne faut pas oublier, dans le cas où l’un des parents est un gros joueur, qu’on doit soi-même montrer l’exemple… À Pédagojeux, nous avons pas mal de témoignages de mamans qui nous disent « Comment voulez-vous que j’empêche mon enfant de jouer aux jeux vidéo, alors que son père y passe tout son temps… » Là encore, il faut être cohérent, et il faut d’abord réfléchir à ce qui est bon pour l’enfant.

Vanessa Lalo : De plus en plus, le jeu vidéo est une activité familiale – une étude récente commanditée par Microsoft montre que c’est la 4e activité la plus pratiquée en famille. Le jeu vidéo peut tout à fait être une activité familiale partagée, qui renforce les liens entre parents et enfants. Bien sûr, ça n’empêche pas les jeunes de jouer « seuls », en ligne avec leurs copains.

C’est important de pouvoir aussi proposer des jeux en famille. D’ailleurs les créateurs de jeux de société l’ont bien compris : Trivial Pursuit et Monopoly, ces grands classiques des réunions familiales, sont disponibles en version jeu vidéo depuis plusieurs années. Il faut éviter de voir les choses en noir et blanc, ce qui peut créer des tensions inutiles, notamment au moment des fêtes. Plutôt que de craindre de voir son enfant s’enfermer pour jouer alors qu’on est tous réunis, on peut concevoir les jeux vidéo comme complémentaires, et comme une autre façon de passer un bon moment en famille.

Jouer avec son enfant est une bonne idée, c’est la meilleure manière de réduire les risques et de pouvoir l’accompagner, d’instaurer un climat de confiance et de voir comment il évolue, notamment en ligne si le jeu a cette composante. Il est rassurant pour un parent de pouvoir évaluer le comportement de son enfant, de savoir précisément où celui-ci a besoin d’être protégé, et de quels risques. Il n’y a pas de recette magique, chaque parent et chaque enfant va être différent. Ce qu’il faut éviter, c’est de s’inquiéter pour rien ou de ne pas voir des signes quand quelque chose ne va pas.

 

Pour en savoir plus :

Pour vérifier la catégorie d’âge d’un jeu vidéo, rendez-vous sur le site officiel de la classification PEGI, qui recense un très grand nombre de jeux vidéo, et notamment les sorties récentes, avec une explication qui justifie chaque classification.