L’OPEN a interrogé Me M.CORDELIER avocat spécialisé en propriété intellectuelle expert juridique sur le sujet du « revenge Porn ».
> Concrètement que signifie cette évolution de la loi par rapport à l’arsenal juridique qui existait avant ?
« Concrètement, cette nouvelle incrimination vient punir la diffusion de photo de nus sur internet sans le consentement de la victime, que le ou les clichés photographiques aient été pris dans un lieu privé ou dans un lieu public, alors qu’avant n’étaient censé être puni que le délit de diffusion d’une photo prise dans un lieu privé sans le consentement de la victime.
De plus cette évolution est également la réponse du législateur à la résistance des juridictions à reconnaître qu’on peut être d’accord pour faire des photos plus ou moins dénudées dans l’intimité (même sur une plage par exemple, ou dans un camp naturiste) mais qu’on n’est pas nécessairement d’accord pour les voir diffusées sur internet.
Un arrêt de la Cour de cassation est d’ailleurs venu illustrer cette résistance par un arrêt du 16 mars 2016 par lequel la Cour jugeait que n’était pas constitutif du délit d’atteinte à la vie privée le fait de diffuser sur internet la photo de son ex-femme nue au seul motif que cette dernière était d’accord pour la réalisation du cliché. »
> Cet aménagement du code pénal concernant le « revenge porn » sera-t-il utile et suffisant pour les victimes ?
« Cet aménagement évacue la discussion sur le consentement de la victime quant à la diffusion d’une photo de nu sur internet : dès lors, les poursuites seront un peu facilitées, même s’il y a fort à parier que les procureurs continueront d’inviter les victimes à faire valoir leurs droits en justice autrement que par un dépôt de plainte. »
> Les magistrats appliqueront-ils la loi et seront-ils en mesure de le faire ?
« Il faut distinguer, d’une part, la condamnation de l’auteur des faits et le retrait des contenus, et d’autre part, la volonté et la capacité des juges à appliquer la loi.
La condamnation de l’auteur sera plus facile à obtenir, de même que l’effacement des contenus, même si les deux ne sont pas toujours possible à obtenir en même temps.
Les juges pourront condamner, mais le voudront-ils ? le caractère « sexuel » de la photo me pose problème : peut être que l’interprétation par les juridictions vont donner encore lieu à des discussions (cqfd : être nu est-il nécessairement sexuel ?) »
> Que pensez-vous de cette jeune fille victime de revenge porn qui vient d’attaquer Facebook en Grande Bretagne pour « négligence » ? Cela est-il possible en France en l’état actuel des choses ?
« Oui, parfaitement ! L’article 6 de la loi de confiance dans l’économie numérique est toujours là pour engager la responsabilité de celui qui n’agit pas promptement après avoir été dument informé du délit. »