Les tentatives de désinformation ont toujours existé. Mais, avec Internet, les « fake news » bénéficient d’un écho sans précédent. Face à ce phénomène, quels sont les enjeux pour l’éducation numérique ?
« Fake news » : de quoi parle-t-on ?
L’expression « fake news » qualifie des contenus faux émis de manière intentionnelle. Ainsi, il peut s’agir d’une information orientée, dont l’inexactitude sert une fin économique ou même une thèse politique. Nous avons pu en faire le constat lors de l’élection américaine, où ce type de rumeurs a servi la campagne de Donald Trump.
Les « fake news » font aujourd’hui de plus en plus parler d’elles. En effet, Internet a changé la donne :
- la puissance de relais offert par les réseaux sociaux permet une propagation rapide à laquelle nous pouvons en plus facilement participer (c’est le cas par exemple, avec les faux appels au don de sang ou d’organe sur Facebook) ;
- les sources d’information se multiplient et n’importe qui peut, en reprenant un certain nombre de codes médiatiques, créer un site web et se faire passer pour une source crédible.
Au-delà de ce qu’il désigne, ce terme est instrumentalisé pour nourrir le soupçon. Il sert ainsi les théories du complot selon lesquelles nous serions manipulés par les médias et contribue à notre perte de repères pour appréhender l’information. L’expression « fake news » peut être aussi dévoyée de son sens initial. Elle est en effet parfois employée pour désigner une information erronée car mal vérifiée par un journaliste, discréditant ainsi les médias traditionnels. Ce fut par exemple le cas, lorsque Najat Vallaud-Belkacem, ex-ministre de l’Éducation, avait employé ce terme pour corriger la journaliste qui lui avait attribué, à tort, la réforme de l’orthographe.
L’utilisation intensive de ce terme traduit finalement une inquiétude grandissante face aux risques de désinformation à l’ère numérique.
Malgré les démentis, une rumeur peut durer longtemps. C’est le cas de cet appel au don de sang, qui émanerait du CHU de Nantes, pour aider une fillette atteinte de leucémie. En circulation sur les réseaux sociaux depuis maintenant plus de 10 ans, il a été relayé par des personnes crédules mais aussi par celles qui, sans même y réfléchir, l’ont fait « au cas où ».
Nos moyens limités contre les « fake news »
Contre les « fakes news », nous pouvons, à titre individuel, mobiliser notre esprit critique et nous astreindre à temporiser. L’exercice est délicat tant Internet favorise une diffusion massive et immédiate de l’information. Nous ne sommes pas à l’abri d’effets pervers, puisque démentir des « fake news » peut permettre aussi d’amplifier une rumeur.
Du point de vue sociétal, les professionnels des médias développent une nouvelle activité de protection contre les « fake news ». Certaines rédactions françaises s’organisent pour vérifier des contenus en collaboration avec Facebook, et divers outils sont développés. Bien sûr, face à la prolifération et à la facilité de circulation de l’information, ces moyens limités ne peuvent être suffisants. Au-delà de ces initiatives, on constate d’ailleurs que les médias tendent à jouer un rôle éducatif, à travers la réalisation de guides par exemple, pour transmettre des méthodes de lecture critique.
Au niveau individuel ou collectif, nous prenons conscience du besoin de développer de nouvelles compétences. C’est en ce sens qu’œuvre notre association, l’OPEN, à travers des actions de prévention et une offre de formations.
Le Monde a créé sur son site internet une rubrique pour lutter contre la désinformation. Intitulé « Les décodeurs », cet espace fournit des articles pour apprendre à vérifier une information, reconnaître un site complotiste… et un outil, le Decodex, sensé estimer la fiabilité d’une source web à partir de son adresse.
La communauté éducative doit se saisir de la question
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la génération des « digital natives » n’est pas plus armée que nous, sous prétexte qu’elle a toujours évolué avec l’environnement numérique. Selon une étude menée par des chercheurs de Stanford, l’incapacité des jeunes étudiants à démêler le vrai du faux constituerait même « une menace pour la démocratie ».
Alors que nous cherchons nous-même un nouveau rapport à l’information, une prise de recul s’avère aujourd’hui indispensable. Dans quelle mesure sommes-nous capables d’enseigner à nos enfants un bon usage d’Internet dans ce domaine ?
Notre niveau d’exigence est également à modérer en fonction des capacités des enfants, les facultés intellectuelles n’étant pas les mêmes à 5 ou 15 ans. La prise en compte du degré de maturité s’avère cruciale pour la mise en place d’apprentissages efficaces.
Phénomène de société, la lutte contre les « fake news », ou plutôt contre la désinformation à l’heure d’Internet, doit en particulier mobiliser les acteurs de l’éducation. C’est en effet le seul moyen d’intégrer et de généraliser de bonnes pratiques. Il s’agit d’un véritable enjeu qui nécessite de donner toute sa place à une formation de l’esprit critique adaptée à l’âge et au contexte numérique.