Si elles ont permis de simplifier la vie et de débloquer certaines situations, les innovations possèdent leur lot d’aspects négatifs.
Dernièrement, de nombreux ont mis en avant les risques de la surexposition sur les réseaux sociaux. C’est d’ailleurs pour cela que les députés ont adopté, la semaine passée, une disposition pour instaurer une majorité numérique.
53% des parents ont partagé des contenus sur leur enfant
Dans le même ordre d’idée, l’Assemblée Nationale se penche, à partir de ce lundi, sur une proposition de loi visant à réguler le « sharenting ». Ce phénomène, contraction de « sharing » (partager) et de « parenting » (parentalité), recouvre le fait, pour les parents, de poster des photos de leurs enfants sur les différentes plateformes. Cette pratique est de plus en plus courante, a révélé l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, dans une étude* en date du 6 février dernier. Selon celle-ci, plus de la moitié des parents (53%) ont déjà partagé du contenu sur leurs enfants sur les réseaux sociaux. Le cas échéant, 91% l’ont fait avant que leur progéniture ait atteint l’âge de cinq ans.
50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents
Or le « sharenting » peut se révéler dangereux. Déjà, ce type de clichés finit souvent par se retrouver sur les forums et autres sites pédopornographiques. « Les risques induits par l’exposition sur internet de l’image d’un mineur se matérialisent d’abord par la difficulté à contrôler la diffusion de ces images, qui constituent des données personnelles sensibles. 50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux »,explique la proposition de loi rédigée par Bruno Studer, élu Renaissance du Bas-Rhin, et d’autres députés de la majorité présidentielle. « Certaines images, notamment les photographies de bébés dénudés ou de jeunes filles en tenue de gymnastique intéressent tout particulièrement les cercles pédophiles », ajoute le texte, qui estime que « le problème va bien au-delà des contenus sexualisés mis en ligne par les parents ou par les enfants eux-mêmes ».
Dans le même ordre d’idée, ces publications posent un problème sur le plan de la sécurité des enfants, les publications pouvant potentiellement être utilisées, par des prédateurs sexuels, pour identifier des lieux ou des habitudes à partir desquels ils pourraient agir.
Cyberharcèlement et difficultés en grandissant
En outre, toutes les données et informations publiées sur le net y demeurent « ad vitam eternam ». Les photos d’un individu, comme jeune enfant, seront susceptibles d’être ressorties plusieurs années plus tard, aux dépens potentiels dudit individu. Cela peut avoir diverses conséquences, d’autant plus importantes quand les personnes qui apparaissent sur les clichés ou vidéos se retrouvent dans des situations improbables ou humiliantes. « Lecyberharcèlement y trouve un terreau fécond », souligne la proposition de loi. « Le sharenting suscite des inquiétudes quant à la vie privée et au bien-être des enfants », abondent des scientifiques de l’université de Virginie-Occidentale (États-Unis), dans une étude publiée dans la revue The Journal of Consumer Affairs. Dans ce cas de figure, il est également possible que cela ait une influence sur la construction des enfants et leur confiance vis-à-vis des adultes. Sans oublier l’incitation à adopter, à leur tour, de mauvaises pratiques.
Ces difficultés sont souvent accentuées lorsque les parents (3% selon l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique) sont aussi influenceurs, c’est-à-dire qu’ils ont déjà bénéficié d’avantages en lien avec leur publication. Dès lors, le partage de données autour de leur fils ou fille s’ancre dans une recherche perpétuelle du buzz et du « like » particulièrement dangereuse.
Tous ces risques expliquent pourquoi la majorité Bruno Studer et ses collègues souhaitent sensibiliser l’opinion sur cette question, notamment via l’introduction de « la notion de vie privée dans la définition de l’autorité parentale ». Une telle disposition ouvrirait la voie à « une délégation forcée de l’autorité parentale dans les situations où l’intérêt des parents rentre en conflit avec l’intérêt de l’enfant dans l’exercice du droit à l’image de ce dernier ».
*Cette étude de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, a été réalisée par l’entreprise Potloc, via un questionnaire sur les réseaux sociaux du 9 au 21 novembre 2022.